Confinement forcé : une réalité pas si inhabituelle pour les spationautes
Alors que la crise de covid-19 nous pousse à rester chez nous, Didier Schmitt, rédacteur en chef du Mook Mars, s’est exprimé sur les similitudes entre le confinement actuel et celui vécu par les astronautes. Un extrait d’interview parue dans La Libre et conduite par Isabelle Monnart.
Confinés sur Terre, confinés dans la Station Spatiale Internationale quelles différences ?
Didier Schmitt : « Il y a pas mal de points communs, oui. Le premier est très simple : j’ai été en confinement à Moscou, il y a pas mal d’années, dans un simulateur de mission spatiale. On entrait pour une semaine. Le sixième ou le septième jour, on se disait que c’était bon, qu’on avait ce qu’il fallait et qu’on allait pouvoir sortir. […] Tout est une question de préparation mentale. Si on vous dit que vous en avez pour une semaine et qu’au terme de celle-ci on vous annonce qu’il y en aura une autre, là ça devient difficile. Mais si on vous dit d’emblée qu’on ne sait pas très bien et que ça pourrait être deux mois, les gens se préparent différemment mentalement. [C’est exactement ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui] »
« L’autre parallèle qu’on peut faire, même si c’est évidemment un peu différent, c’est que quand vous êtes dans la station orbitale, vous pouvez regarder la Terre mais vous êtes frustré parce que vous ne pouvez rien faire. […] Quand on est confiné, on est un peu comme une prison et on ne peut pas aider, même quand on voit que le système est saturé. Pour les gens qui vont aller vers Mars, pendant trois ans, quoi qu’il arrive au sol avec leur famille, etc., ils vont se sentir complètement frustrés de ne pas pouvoir partager les choses. »
A la différence des spationautes qui quitterons la Terre pour Mars, nous bénéficions du lien instantané avec nos proches, même à distance offert par les technologies de communication actuelles. Pour un voyage vers Mars, c’est une autre paire de manches : « quand on est au plus loin de la Terre, un signal met 20 minutes pour revenir sur Terre et donc 20 pour retourner vers le vaisseau. Ce sera du WhatsApp avec 20 ou 40 minutes de décalage. Ce ne sera pas du temps réel. »
Le confinement à voir comme l’opportunité de ralentir et vivre l’instant présent :
Pour Didier Schmitt, cette période atypique, tant pour les particuliers que pour les instances politiques et économique, est propice à l’introspection de soi et du monde. Prendre le temps de comprendre notre quotidien et ce qui nous a mené à cette situation aujourd’hui.
Didier Schmitt : « [En confinement] il ne faut pas forcément chercher à tuer le temps. […] C’est peut-être le moment opportun pour avoir une réflexion sur soi, sur l’environnement. »
« Il y a un péché originel : celui de ne pas écouter les scientifiques. […] Un article, qui date de 2007, disait exactement ce qui se passe aujourd’hui. On a trop exagéré, on a trop abîmé l’environnement et ce que nous vivons en est une conséquence, directe ou indirecte. »
Le confinement, qu’il soit terrestre ou spatial est une épreuve complexe à laquelle les spationautes se préparent durant de longs mois. Entre simulations terrestres et entrainements multiples, la préparation mentale qui accompagne cette épreuve permet de la surmonter plus facilement. Sur Terre aujourd’hui, cette situation inédite et complexe par son incertitude temporelle peut être considérée comme un moment propice à la contemplation et à la réflexion sur nos habitudes de vie. Elle peut aussi permettre la prise de conscience à plus grande échelle des risques que la crise environnementale nous réserve si l’inaction se poursuit.
Source : La Libre – Isabelle Monnart
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