Mook Mars

Des geysers observés sur la lune glacée Europe

Il y a peu d’endroits dans le Système solaire où les scientifiques ont autant d’espoirs de découvrir la vie que dans les océans situés sous la surface de la lune glacée Europe. De nouvelles analyses montrent que de l’eau pourrait traverser ce manteau de glace et jaillir sous forme gazeuse, nous renseignant sur ce qui se trame sous cette épaisse banquise.

Un monde de glace :

Europe fait partie des quatre plus grosses lunes de Jupiter, dites « galiléennes » car observées par le scientifique italien dès 1610. Si sa taille est équivalente à celle de notre Lune, c’est à peu près tout ce qu’elles ont en commun, car leur composition est totalement différente. Sur toute sa surface, Europe est recouverte d’une couche de glace épaisse de quelques kilomètres et parcourue de longues fissures rougeâtres, en raison des immenses contraintes causées par l’attraction gravitationnelle de la géante Jupiter. Cependant il ne faut pas juger un livre à sa couverture, car les chercheurs sont convaincus que cette surface scarifiée peu attrayante recouvre un vaste océan d’eau liquide. Sur Terre, on le sait bien : là où il y a de l’eau liquide, il y a de la vie, sous une forme ou une autre ! Mais sur Europe, comment savoir ce qui se passe sous cette épaisse couche de glace ?

© NASA/JPL-Caltech/SETI Institute
À la fin du XIXème siècle, Percival Lowell pensait voir des canaux conçus par une espèce intelligente à la surface de Mars. Qu’aurait-il dit à propos de cette image d’Europe prise par la sonde Galileo ? Il s’agit en réalité d’un enchevêtrement chaotique de fissures, témoins de l’intensité des forces de marées causées par Jupiter.

© NASA/JPL-Caltech/SETI Institute

Une découverte qui brise la glace :

Heureusement, il semblerait qu’Europe soit prompte à dévoiler son for intérieur sans grande pudeur, et ce à travers des éjections d’eau sous forme gazeuse. C’est du moins ce que semble montrer une étude publiée par le chercheur belge Hans Huybrighs (en collaboration notamment avec Olivier Witasse, auteur d’un article dans le premier numéro du mook Mars). La découverte, basée sur des observations de la sonde américaine Galileo vient confirmer des observations précédentes réalisées par le télescope spatial Hubble en 2013 ainsi que l’observatoire Keck de Hawaï en 2017.

Il existerait donc des sortes de geysers sur Europe ! Des panaches de vapeur d’eau de 200 km d’altitude pourraient se former au niveau des fissures qui habillent la surface de la lune glacée, avant de retomber sous la forme d’une pluie gelée. Europe est ainsi le deuxième corps du système solaire sur lequel on a observé un tel phénomène après Encelade, une lune de Saturne. Dans les deux cas, il reste néanmoins à savoir si les éléments éjectés proviennent d’une portion de la croûte de glace, de l’océan d’eau liquide souterrain, ou bien d’un mélange de ces deux sources…

© NASA, ESA, and M. Kornmesser
Vue d’artiste de Jupiter et de sa lune Europe. La taille de l’éjection d’eau se produisant au niveau du pôle sud d’Europe est représentée à l’échelle.

© NASA, ESA, and M. Kornmesser

Europe, le nouveau continent ?

Les scientifiques pensent que les conditions au fond de l’océan d’Europe pourraient être compatibles avec l’existence de sources chaudes hydrothermales. De quoi nourrir les espoirs de tous les astrobiologistes (chercheurs étudiants la vie dans l’univers), quand on sait que c’est peut-être dans ce type d’environnement que la vie serait apparue sur Terre.

Cependant, même si les agences spatiales préparent les futures missions spatiales dans le grand froid, nous ne sommes pas encore prêts de voir débarquer des colons sur Europe, à environ 600 millions de km de nous (1 500 fois la distance Terre-Lune et 10 fois la distance Terre-Mars). Et même si l’on parvenait à emmener des humains sur Europe, il resterait encore à trouver un moyen de creuser quelques kilomètres de glaces pour accéder à l’océan sous-terrain : difficile à faire sur Terre, quasi-impossible sur un corps céleste !

Cette découverte de panaches d’eau qui pourraient trouver leur origine sous l’épaisse banquise est donc une véritable bénédiction : elle permet d’accéder à des informations d’une richesse extrême en se contentant de rester sur l’orbite de la lune glacée.

Côté européen, la mission JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer) devrait décoller en 2022 pour arriver dans le système de Jupiter sept ans plus tard afin d’étudier ses lunes glacées. Côté américain, la mission Europa Clipper visera encore plus particulièrement Europe, avec un décollage prévu entre 2024 et 2025. Ces deux missions emporteront le matériel scientifique nécessaire pour permettre de mieux comprendre Europe, son histoire, sa structure et ses océans, notamment grâce à l’étude directe des « geysers » en question.

Il faudra encore patienter avant d’avoir les premiers résultats, mais l’aventure de ces deux « envoyés spatiaux » s’annonce déjà formidable : à la recherche de la vie… à 20 000 lieues au-dessus des mers.

D’ici une dizaine d’année, la mission JUICE survolera la lune glacée Europe et nous apportera des informations inestimables, notamment sur le contenu exact des panaches de vapeur d’eau détectés.

© ESA

Illustration d’entête : © NASA/JPL-Caltech/SETI Institute

Plus d’informations sur ces recherches :