Un premier vol habité historique pour SpaceX et les États-Unis
Depuis 2011, les USA n’ont plus envoyé leurs propres astronautes dans l’espace. Ce mercredi pourrait marquer la fin d’une longue période de dépendance à la Russie et à leur lanceur Soyouz, tout en permettant à SpaceX de devenir la première société privée à envoyer des astronautes sur l’ISS.
Ils s’appellent Douglas Hurley et Robert Behnken, et ils constitueront le premier équipage humain de la capsule Crew Dragon de SpaceX. Le feu vert a été donné par la NASA la semaine dernière pour un décollage ce mercredi à 22h33 (16h33, heure locale) avec le slogan « Launch America ». Leur mission, sobrement baptisée Demo-2, fait logiquement suite à Demo-1, qui avait emmené un mannequin dans l’espace l’année dernière. L’objectif cette fois-ci : emmener l’équipage en orbite en toute sécurité, s’amarrer à l’ISS, avant de revenir sur Terre quelques mois plus tard.
Pourquoi ce vol est-il historique ?
Pour comprendre l’importance capitale de ce lancement, il faut revenir quelques années en arrière. En juillet 2011, jugée trop chère et trop dangereuse, la navette spatiale américaine effectue sa dernière mission. Depuis, plus aucun véhicule américain n’a envoyé des astronautes dans l’espace. Neuf années pendant lesquelles la NASA a dû régulièrement acheter des sièges sur le véhicule russe Soyouz, afin de ne pas mettre un terme à sa présence continue dans l’ISS depuis 2000…
Dernier achat en date : une place dans la capsule russe dont le décollage est prévu mi-octobre 2020, pour la modique somme de… 90 millions de dollars ! En outre, la NASA a également accepté de se charger du transport de matériel russe vers l’ISS pour dédommager Roscosmos, qui a dû écarter un cosmonaute russe, afin de libérer une place pour la NASA. Le but est de pouvoir faire face à tout imprévu sur les capsules de SpaceX et Boeing, qui ont déjà pris des années de retard. Mais inutile de préciser que cette situation de dépendance ne plait pas du tout aux États-Unis…
Dans ce contexte, que penser en apprenant la démission subite du chef des vols spatiaux habités de la NASA, moins de 10 jours avant ce premier vol habité de SpaceX ? Alors que, dans sa déclaration, il justifiait sa décision par rapport à des risques qu’il aurait pris, il a plus tard précisé que ces risques n’avaient aucun lien avec le vol du 27 mai prochain, pour lequel l’équipage s’entraîne depuis déjà cinq ans. Pour être tout à fait exact, la probabilité calculée de « perte d’équipage » pour cette mission de démonstration est de 0,36%. Si la mission Demo-2 est une réussite, elle signera le retour des États-Unis dans le club très restreint des nations ayant la capacité d’envoyer des êtres humains dans l’espace, aux côtés de la Russie et de la Chine. De son côté, SpaceX deviendrait également la première société privée à emmener des astronautes sur l’ISS.
De l’innovation, mais un profil de mission classique
Les deux astronautes sont entrés en quarantaine pré-vol depuis le 13 mai. Le jour J, ils enfileront leur nouveau scaphandre, dont le look hollywoodien contraste avec les scaphandres habituels. Pas surprenant quand on sait que l’homme derrière ces scaphandres est également le costumier qui s’est illustré pour son travail dans les films Wonder Woman, Wolverine ou encore Captain America : Civil War.
Ils emprunteront alors les mêmes portes que les astronautes des missions Apollo : celles du complexe de lancement 39 du Centre spatial Kennedy, en Floride. Douglas Hurley et Robert Behnken seront alors conduits jusqu’au pas de tir en Tesla. Encore un joli coup marketing de la part d’Elon Musk, après le lancement de l’une de ses voitures en orbite martienne il y a déjà deux ans…
Enfin il sera temps de prendre place dans la capsule Crew Dragon, perchée en haut d’une fusée Falcon 9. Un véhicule américain emportant des astronautes américains dans l’espace, depuis le sol américain et à destination du segment américain de l’ISS. Il n’en fallait pas moins pour que le président Donald Trump et son vice-président Mike Pence confirment leur présence pour cet événement. Pour l’immense majorité qui n’aura pas la chance d’assister aux festivités sur place, une retransmission en direct est évidemment prévue.
Après le décollage, le booster du premier étage devrait atterrir de manière autonome sur la barge Of Course I Still Love You, positionnée pour l’accueillir dans l’océan Atlantique. Il faudra néanmoins attendre le lendemain pour que la capsule ne rejoigne l’ISS, après 19 heures de voyage. L’amarrage à la station est prévu pour s’effectuer automatiquement, mais l’équipage est entraîné pour réaliser cette tâche manuellement si cela s’avérait nécessaire. La durée de la mission à bord de l’ISS n’est pas encore précisément connue, mais elle ne devrait pas excéder quatre mois. Comme pour les missions Apollo, le retour s’effectuera sous parachutes dans l’océan Atlantique.
De nouvelles opportunités de vols pour le futur
Beaucoup d’aspects de la mission sont directement inspirés des mythiques missions Apollo. La capsule ne fait pas exception, même si elle en est une version ultra-moderne, bardée d’écrans tactiles. Par ailleurs, tandis que les capsules Apollo emmenaient trois astronautes, le Crew Dragon pourra être configuré pour en emmener jusqu’à sept !
Lorsque la mission Demo-2 sera terminée, et s’il s’agit d’une réussite, elle devrait être suivie par la première mission opérationnelle pour cette nouvelle capsule : Crew-1. Cette fois-ci, quatre astronautes devraient être de la partie : trois de la NASA et un de l’agence spatiale japonaise (JAXA).
Si tout se passe comme prévu, c’est peut-être l’astronaute français Thomas Pesquet qui effectuera son prochain vol sur la capsule de SpaceX en 2021. D’ici-là, l’autre capsule américaine : la CST-100 Starliner de Boeing, devrait également être opérationnelle.
À terme, ces deux capsules devront chacune assurer au moins six voyages de quatre astronautes, déjà réservés par la NASA, mais également des vols touristiques. En attendant, si vous aussi vous vous imaginez déjà dans les bottes d’un astronaute, vous pouvez d’ores et déjà commencer votre entraînement grâce au simulateur de vol mis en ligne par SpaceX.
Illustration d’entête : © SpaceX